Sauve qui peut
Alexe Poukine, Belgique, France, Suisse, 2024o
Dans un centre de formation, des vrai·es soignant·es et des faux·ses patient·es, interprété·es par des comédien·nes, simulent des consultations médicales. Le but de ces jeux de rôles est de développer les qualités humaines des thérapeutes. Dans un système de santé de plus en plus libéral, cet idéal de relation est-il vraiment possible ?
Terrain d’élection des séries au tournant des années 2000 (d’Urgences à Grey’s Anatomy en passant par Dr House), l’hôpital est repassé aux mains des documentaristes qui, en marge de leur intérêt renouvelé pour les institutions psychiatriques (voir les deux films de Nicolas Philibert Sur l’Adamant et Averroès & Rosa Parks), témoignent d’un intérêt marqué pour la prise en charge des patient·es, à l'instar du très beau Notre corps de Claire Simon. C’est dans cette veine que s’inscrit Sauve qui peut d’Alexe Poukine, qui documente la formation des soignant·es à l’exercice délicat de la consultation à travers des mises en situation avec des faux·ses patient·es interprété·es par des comédien·nes, et interroge le fonctionnement du système hospitalier: à l’ère de la rentabilisation des services publics, dans quelle mesure les rapports entre personnel et patient·es, tout comme au sein des équipes, peuvent-ils laisser de la place à la bienveillance et l’empathie? Succession de scènes de jeu de rôles, de debriefings et de séances de groupe, le documentaire ne se démarque pas par la singularité de son écriture, mais emporte notre adhésion par la pertinence des questions qu’il soulève et la vulnérabilité qu’il révèle. Ceci, aussi bien chez les soignant·es que du côté de leur faux·ses patient·es, renvoyé·es, à travers le jeu des consultations, à leurs propres failles et émotions que le système hospitalier, de par son fonctionnement de plus en plus néolibéral, aurait tendance à broyer.
Emilien Gür